Japon : une islamisation tardive

8:56 - May 11, 2015
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Tokyo(IQNA)-Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’archipel nippon ignore pratiquement tout de l’islam. En 1890 arrive, en visite de courtoisie, le vaisseau ottoman l’Ertugrul. A son bord, le sultan Abdülhamid accompagné de plus de six cents officiers et soldats.

Le 20 avril dernier, l’Ecole pratique des hautes études organisait, dans le cadre du séminaire du professeur invité Masanori Naïto, une «Rencontre avec les étudiants en master et en thèse sur les études sur le monde musulman au Japon».
L’intérêt du Japon pour l’islam est récent. Contrairement à la Chine toute proche, en effet, qui connut une islamisation du vivant même du Prophète, l’archipel nippon ignore pratiquement tout de l’islam jusqu’à la fin du XIXesiècle.
En 1868 débute l’ère Meiji (Renaissance), qui sort le pays de l’isolement protectionniste dans lequel il était plongé depuis un demi-millénaire. Des publications occidentales traduites en japonais commencent à circuler, dont certaines sur l’islam et sur la vie du Prophète. Des marchands indiens de confession musulmane se seraient par ailleurs installés dans les villes de Tokyo, Yokohama et Kobe, formant les premiers noyaux communautaires.


Mais l’événement le plus marquant est sans doute l’arrivée en 1890 du vaisseau ottoman l’Ertugrul, avec à son bord, le sultan Abdülhamid accompagné de plus de six cents officiers et soldats sous le commandement de l’amiral Osman Pasha. Le prince Komatsu Akihito avait visité Istanbul quelques années plus tôt et les deux pays, – les deux seuls Etats indépendants d’Asie – avaient pris conscience de l’importance d’un rapprochement.
L'exil au pays du Soleil Levant
L’Ertugrul sombra alors qu’il quittait les côtes nippones, provoquant un vif émoi et un grand élan de sympathie. Un mémorial est construit et des Japonais recueillent des fonds pour les familles des victimes. Il s’agit de Shotaro Noda et de Torajiro Yamada, qui se rendent chacun à Istanbul.
Le premier est reçu par le sultan Abdülhamid, qui l’invite à rester afin d’enseigner le japonais à l’académie militaire. Shotaro Noda restera à Istanbul et, converti à l’islam par Abdullah Guillaume (un Ottoman originaire de Liverpool), deviendra, sous le nom de ‘Abd al-Halim Noda, le premier Japonais musulman de l’Histoire.

Son compatriote Torajiro Yamada prendra quant à lui le nom de ‘Abd al-Khalil, et, s’établissant également à Istanbul, s’y adonnera au négoce des années durant, avant de rentrer au pays prêcher la bonne parole.
Puis vint la guerre russo-japonaise de 1904-1905 qui vit l’afflux d’officiers égyptiens – venus d’une Egypte encore ottomane – désireux de servir comme volontaires dans ce qu’ils voyaient comme la première guerre anti-impérialiste. Certains prendront femmes après la guerre et feront souche.
De nouveau, en 1917, la Russie contribuera indirectement à favoriser la diffusion de l’islam au Japon : la révolution bolchévique poussera des milliers de musulmans turcs d’Asie centrale – Turcmènes, Tatars, Ouzbeks, Tadjiks, Kirghizes, Kazakhs – à chercher asile dans l’archipel. S’ils bénéficient de la sympathie qu’ont les Japonais pour les Turcs ottomans, le pouvoir nippon y voit également un allié contre l’ennemi russe.


Près de 250 000 musulmans au Japon
La seconde guerre mondiale et la constitution d’un empire nippon voit exploser les études sur l’islam (plus d’une centaine de publications spécialisées). Le pouvoir nippon avait en effet des vues sur l’Asie du Sud-est, comme sur le Turkestan chinois, où il comptait s’appuyer sur les communautés musulmanes autochtones.
Entretemps, des mosquées avaient fleuri à travers le pays, à Kobe (1935), à Tokyo (1938), à Nagoya (1937)…


Celle de Tokyo fut construite sur l’initiative de ‘Abdürreşid İbrahim, un prédicateur tatar à l’origine de la conversion d’un grand nombre de journalistes, d’intellectuels et d’officiers, dont certains joueront un rôle de premier plan.
Souffrant de graves défauts structurels, la mosquée doit être démolie un demi-siècle plus tard. Elle sera reconstruite en 1998 dans un style néo-ottoman avec le concours du Diyanet (Directoire des Affaires religieuses de Turquie).
Les musulmans au Japon seraient aujourd’hui entre 70 000 et 250 000 sur une population d’environ 128 000 000 d’habitants.
zaman

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